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Brûlés, trop salés ou fadasses ? Comment sauver vos plats ratés

Chaire Article publié le 29 avril 2024 , mis à jour le 29 avril 2024

Le Parisien, le 20 avril 2024 - Par Joffrey Vovos

Le spécialiste de la cuisine moléculaire Raphaël Haumont s’est penché sur les recettes que l’on rate très souvent et la manière de sauver ce qui peut encore l’être… Il en a tiré un petit livre très instructif.

Si la mayonnaise ne monte pas, c’est qu’il y a trop d’huile.
Il faut donc en enlever et appeler la moutarde à la rescousse. Photo Istock

Des pâtes trop cuites, un riz salé à l’excès ou une mayonnaise qui peine à monter… Pas de panique : « On rattrape, on modifie, on transforme. Et dans le pire des cas, si c’est vraiment irrécupérable, on jette. » Dans son labo, à l’université de Paris-Saclay, Raphaël Haumont s’est trituré les méninges et les papilles pendant des mois pour comprendre les erreurs que l’on commet souvent en cuisine. Le chercheur, complice régulier du chef étoilé Thierry Marx, en a tiré un livre malin, à paraître le mercredi 24 avril : « C’est raté, et alors ? » (Éd. Flammarion, 15 euros).

En une centaine de pages, le spécialiste de la cuisine moléculaire décortique nos faux pas les plus courants aux fourneaux. Objectif final : éviter de les reproduire, même si, comme il le rappelle dès l’introduction, les manipulations malheureuses peuvent aussi aboutir à des inventions heureuses.

La tarte Tatin aurait, par exemple, été montée pour la première fois à l’envers par étourderie tandis que l’apparition, il y a plus de dix mille ans, du fromage et du yaourt, serait liée au mode de transport du lait, dans des panses où les enzymes animales peuvent déclencher accidentellement des processus de fermentation.

Que faut-il mettre à la poubelle ?

À mi-chemin entre le vade-mecum du cuisinier amateur et le manuel de vulgarisation scientifique, le livre de Raphaël Haumont donne une kyrielle d’astuces pour sauver ce qui peut encore l’être. « Tout ou presque être récupéré ou transformé », assure le chercheur.

On évitera tout de même d’essayer de donner une seconde vie aux préparations brûlées (viandes ou légumes calcinés, fritures excessives, caramels noircis…), dangereuses pour la santé. Gare aussi aux excès de certaines épices, en particulier la noix de muscade qui, à haute dose, est toxique pour le foie et le système nerveux. « Si le pot complet est tombé dans la sauce : poubelle! »

Récupérable ou transformable : à vous de juger !

Quand la recette a dérapé, il faut être capable de mesurer à quel point. Est-elle récupérable ? Ou faut-il complètement transformer le plat ? Parfois, la question ne se pose pas. « Les pommes de terre à l’eau trop cuites, par exemple, ça ne se rattrape pas. En revanche, des solutions antigaspi existent », glisse Raphaël Haumont.

Avec vos patates ramollos, vous pourrez toujours presser une purée ou, plus original, comme le suggère l’acolyte de Thierry Marx, réaliser des crackers en y ajoutant quelques ingrédients : farine, beurre, œuf et fromage râpé.

Idem avec le risotto trop cuit dont il propose de faire des galettes apéros ; ou mieux, si l’on possède un siphon, une espuma (« mousse ») de saint-jacques et chorizo, façon Ferran Adria, le ponte espagnol de la cuisine moléculaire. Aussi impressionnant que facile !

Au secours, mes pâtes sont trop cuites !

La plupart des plats du quotidien sont rattrapables sans trop de difficulté. C’est le cas des pâtes trop cuites. Même lorsqu’elles forment une boule compacte dans le fond de la passoire, l’opération sauvetage reste possible.

Petite astuce pour limiter les dégâts : les rincer abondamment à l’eau très froide, puis verser un filet d’huile d’olive pour les aider à se séparer et éviter qu’elles ne collent. Inutile en revanche d’en mettre dans l’eau de cuisson. Contrairement aux idées reçues, cela ne sert à rien, parole de physicien !

Pour enlever l’excès d’humidité et redonner corps à vos nouilles, il faudra ensuite les réchauffer dans une poêle avec un peu de matière grasse, en remuant doucement. « N’hésitez pas à y ajouter des légumes croquants, de l’omelette pour jouer avec les textures, et tenter de détourner un tantinet le problème de surcuisson des pâtes ; un peu à la façon de nouilles sautées (yakisoba) », conseille Raphaël Haumont.

Rendre à la viande sa tendreté

Équilibre ténu entre température et temps, la cuisson reste une des principales difficultés en cuisine. Même avec un minuteur, il n’est pas toujours simple d’en maîtriser toutes les subtilités. C’est particulièrement vrai pour les viandes.

La différence entre un steak bleu, saignant ou à point se joue à 2 ou 3 °C près… Et quelques secondes d’inattention suffiront à faire des plus belles pièces du boucher d’infâmes semelles caoutchouteuses.

Un phénomène physique, causé par l’évaporation de l’eau et la coagulation de protéines sous l’effet de la chaleur, qui va modifier la texture. Là encore, il existe un moyen de rattraper le coup, en versant, à hauteur, un bouillon aromatique ou un jus, puis en chauffant doucement pour réhydrater la chair, et in fine, en faire un effiloché.

L’éternel problème de la mayo

Au rang des grands ratés de la cuisine ménagère, la mayonnaise se hisse sans conteste sur la première marche du podium. « Comprendre comment deux liquides - de l’huile et un jaune d’œuf - peuvent devenir un mélange ferme et homogène, c’est de la pure science », se délecte Raphaël Haumont.

Le chimiste est bien content de battre en brèche, expériences à l’appui, quelques astuces de grands-mères « à 90 % fausses » : fouetter en faisant des huit, utiliser des ingrédients à température ambiante ou encore ajouter une cuillère d’eau froide.

« Une mayonnaise n’est ni plus ni moins que de fines gouttelettes d’huile dispersées dans l’eau contenue dans le jaune d’œuf. » Si elle ne monte pas, c’est qu’il y a trop d’huile.

Dans ce cas, on laissera décanter, on retira le surplus de matière grasse, et on y ajoutera une cuillère de moutarde, condiment riche en tensioactifs qui aideront la sauce à prendre. Puis on reversera doucement l’huile récupérée tout en mixant. Bon à savoir : avec un jaune d’œuf, on peut faire un demi-litre de mayonnaise. Avec deux, ce sera 1 litre ! Besoin d’autant de mayo ?