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Le premier "data center bio circulaire au monde" va voir le jour en Île-de-France

Chaire Article publié le 04 mars 2024 , mis à jour le 04 mars 2024

C’est quoi cette forêt d’algues qui va voir le jour en Île-de-France ?

Le Parisien, le 1er mars 2024 - Par Cécile Chevallier

Le premier « data center bio circulaire au monde » va voir le jour en Île-de-France, à Marcoussis (Essonne). Ce projet scientifique vise à réutiliser une partie de la chaleur des serveurs en s’appuyant sur une forêt d’algues.

Le campus de data-centers de Marcoussis (Essonne) va expérimenter la culture d'une forêt d'algues pour transformer l'électricité
consommée par les serveurs en énergie renouvelable. Data4Group

« Réconcilier la transformation numérique et la transition écologique. » C’est l’objectif visé par la Fondation Université Paris-Saclay et l’opérateur Data4. Ce vendredi, à l’occasion du Paris-Saclay Summit-Choose Science qui se tient à Palaiseau (Essonne), une « première mondiale » va être dévoilée : la création du « premier data center bio circulaire au monde ». Il se matérialisera par une forêt d’algues cultivée sur les toitures des data centers rassemblés depuis 2006 sur un campus à Marcoussis.

« Les data centers sont des acteurs incontournables de la transition digitale, mais ils sont également consommateurs d’énergie pour faire fonctionner leurs serveurs, reconnaît Linda Lescuyer, responsable Innovation chez Data4, opérateur du campus de Marcoussis et de data centers dans cinq capitales européennes. L’idée est de trouver un moyen de récupérer cette énergie, transformée en chaleur par les serveurs pour la restituer aux territoires. »

Ce qui existe déjà via les réseaux de chaleur pour le chauffage des habitations. « Sauf que cette solution ne permet d’exploiter qu’un pourcentage infime du gisement », complète Linda Lescuyer. C’est là que le projet « forêt d’algues » entre en jeu, sous l’impulsion du département de l’Essonne qui a créé il y a deux mois la chaire Innovation Abiomas au sein de l’université Paris-Saclay. Il sera porté par une équipe réunissant des experts de Centrale Supélec, AgroParisTech, l’Inrae et le laboratoire de chimie ICMMO de Paris-Saclay, ainsi qu’une start-up autrichienne.

« Avec la transformation numérique et l’explosion des données, le déploiement des data centers est inéluctable, confie Patrick Duvaut, président de la Fondation Université Paris-Saclay. On compte explorer l’utilisation de la bioénergie produite par des méthaniseurs à partir de la biomasse des algues pour alimenter les data centers. Une partie du dioxyde de carbone (CO2) nécessaire aux algues pourra être captée au niveau du méthaniseur. »

« Le processus s’appuie sur la photosynthèse »

Ces plantations aquatiques seront ensuite recyclées en biomasse pour créer de l’énergie, mais elles pourront aussi être utilisées dans la cosmétique et la pharmacologie ou encore dans l’agro-alimentation, pour l’homme ou les animaux.

L'idée du data-center bio-circulaire est de réutiliser la chaleur des serveurs pour faire pousser des algues recyclées ensuite en énergies
ou dans la fabrication de cosmétiques ou de produits agroalimentaires. DR

Mais une forêt d’algues ne pousse-t-elle pas dans les fonds marins ? « Il faut de l’eau, salée ou douce, précise Linda Lescuyer. Et surtout de la lumière et du carbone. Nous les cultiverons donc en extérieur. Mais comme nous ne voulons pas consommer et artificialiser plus d’espace, nous ferons pousser ces algues en toiture (ou en façade, mais c’est plus compliqué) sur notre site de Marcoussis. Il faut imaginer des tubes en verre remplis d’eau alignés comme des néons dans lesquelles seront cultivées différentes espèces d’algues. Le processus s’appuie sur la photosynthèse, phénomène vieux comme le monde qui a fait ses preuves. » Un démonstrateur devrait être opérationnel d’ici deux ans.

Windcloud, un data center allemand, fait déjà pousser des algues spirulines qui absorbent ses émissions de gaz à effet de serre. Alors peut-on vraiment parler de première mondiale ? Pour Linda Lescuyer et Patrick Duvaut, incontestablement « oui ».

Une énergie réutilisée pour le territoire

Ils pointent plusieurs différences : « L’échelle industrielle du projet. Windcloud décrit une production de 60 à 80 kilowatts quand Data4 représente 120 mégawatts, soit une puissance de près de 2000 fois supérieure. Une partie de la chaleur produite sera aussi réutilisée par le data center, quand Windcloud mise seulement sur la captation des gaz à effet de serre. Enfin, l’ampleur territoriale : l’énergie sera réutilisable par le territoire de l’Essonne et l’agglomération Paris-Saclay. »

Pour cette culture, le projet mise sur l’expertise de Blue Planet Ecosystems, une start-up autrichienne qui a mis au point « une solution pour une pisciculture durable et écologique ». « Actuellement, ils sont obligés d’acheter le CO2 pour leur production d’algues et leurs élevages d’alevins, remarque Patrick Duvaut. Avec notre projet, on a une économie circulaire, transposable dans d’autres régions de France et du monde. L’Afrique ou les Émirats sont très intéressés pour répondre à la transformation numérique, la transition écologique et à la sécurité alimentaire. Nous avons déjà pu calculer que cette captation de carbone par les algues est au moins 20 fois supérieure à celle d’un arbre. »