
Zoom sur le rôle clé des stéréotypes de genre dans les inégalités professionnelles
Clotilde Coron, membre du Conseil d'Administration de la Fondation de l'Université Paris-Saclay, reçoit le prix du meilleur ouvrage en management avec son livre « Stéréotype de genre et inégalités professionnelles entre femmes et hommes ».
Les Echos, le 25 juin 2024
En dépit de multiples mesures législatives à destination des entreprises européennes, pourquoi les choses ne progressent-elles pas davantage en matière d'inégalités entre femmes et hommes ?, interroge la professeure Clotilde Coron de l'université Paris-Saclay.
Les avancées législatives se multiplient mais, insuffisantes, elles ne s'attaquent pas
aux racines des inégalités professionnelles entre femmes et hommes. (iStock)
Les stéréotypes de genre ont la vie dure, les inégalités professionnelles aussi. En dépit de nombreuses avancées législatives, les femmes éprouvent bien plus de difficultés que les hommes à accéder à des postes à responsabilités et les écarts de salaire persistent.
Lois Roudy (1983), Génisson (2001), Copé-Zimmermann (2011), Vallaud-Belkacem (2014), index égalité professionnelle (2019), loi Rixain (2021)... Les avancées législatives se multiplient mais, insuffisantes, elles ne s'attaquent pas aux racines des inégalités professionnelles. Les organisations ont été pensées par des hommes pour des hommes. Elles doivent contribuer à lutter contre les inégalités, mais ces dernières ne sont pas du seul ressort des entreprises.
Auto-stéréotypes et méta-stéréotypes
L'ouvrage de Clotilde Coron « Stéréotype de genre et inégalités professionnelles entre femmes et hommes » se fonde sur des données européennes pour étudier la prévalence des stéréotypes de genre, en France comme dans d'autres pays européens, et la manière dont ces stéréotypes de genre contribuent aux inégalités entre femmes et hommes dans la sphère professionnelle.
Sur l'ensemble du continent, 38,5 % des femmes et hommes pensent que « quand une mère a un emploi, les enfants en souffrent », et 34,9 % que « le travail d'un homme, c'est de gagner de l'argent, celui d'une femme de s'occuper de la maison et de la famille ».
Stéréotypes, préjugés , discriminations... A l'échelle individuelle, organisationnelle comme nationale, tous relèvent d'un système enchevêtré de facteurs difficiles à dénouer. Et fonctionnent sur des critères implicites.
Le sujet, multidimensionnel, est d'autant plus difficile qu'à côté de nombre de stéréotypes, se développent quantité d'auto-stéréotypes et méta-stéréotypes (peur d'être mal évalué en raison des stéréotypes présupposés de l'évaluateur et de ce que l'on croit des attentes de l'environnement).
GRH et fonctionnements organisationnels
L'ouvrage s'intéresse aussi aux pratiques de gestion des ressources humaines (GRH) et aux fonctionnements organisationnels qui favorisent ou, au contraire, portent atteinte à l'égalité. Et met en avant quelques pratiques vertueuses comme les discussions collégiales, le recours à la formalisation, le travail autour de nouvelles représentations mentales, etc.
Enfin, au-delà des pratiques de GRH, il semble impératif de mettre en cause certains critères implicites de carrière (disponibilité extensive, etc.) et fonctionnements informels (réseaux, cooptation, etc.).
« Stéréotype de genre et inégalités professionnelles entre femmes et hommes », par Clotilde Coron, 228 pages, 24 euros, éditions EMS.