Raphaël Haumont et le foodpairing : « Rendre plus gourmande notre consommation de légumes »

Chaire Article publié le 15 juillet 2024 , mis à jour le 15 juillet 2024

Paris Normandie, le 23 juin 2024 - Par Bruno Bertheuil

Professeur à l’institut de chimie moléculaire et des matériaux (CNRS / Université de Paris-Saclay) Raphaël Haumont, porteur de la chaire Cuisine du futur, soutenue par la Fondation, s’est associé avec Thierry Marx pour imaginer la cuisine du futur.

Comment vous est née cette idée de travailler sur la chimie des saveurs ?

« La cuisine et la science sont mes deux passions depuis que je suis tout petit. Et les deux sont liées. La cuisine c’est d’abord de la transformation de la matière. Quand on fait de la compote avec une pomme ou que l’on cuisine un œuf on fait de la chimie. On peut s’en amuser mais on peut aussi s’en servir pour chercher comment on peut s’en servir pour aider les chefs dans leur travail sur les saveurs. »

Comment imaginez-vous cette cuisine du futur liée à cette alliance entre chimistes et cuisinier ?

« La cuisine du futur doit répondre à un double objectif. Elle doit procurer du plaisir et elle doit en même temps répondre aux enjeux écologiques en étant plus saine, plus durable et plus responsable. La baisse nécessaire de notre consommation de viande doit ainsi aller de pair avec une volonté de rendre plus gourmande notre consommation de légumes. C’est pour cela que nous avons écrit notre livre avec Thierry Marx. Nous consommons aussi beaucoup trop d’eau en cuisine et d’énergie pour la chauffer. Il est par exemple inutile de faire bouillir de l’eau à 100°, les légumes cuisent à 85° et un œuf cuit à partir de 56°. Nous devons revoir nos pratiques en imaginant aussi de nouveaux ustensiles qui doivent être plus efficaces et plus économes. »

À quels ustensiles pensez-vous ?

Par exemple, à la place du fouet dont le but est d’injecter de l’air dans une préparation, on peut utiliser des ultrasons. Faire une mayonnaise avec des ultrasons demande 15 secondes maximum et ça extrait beaucoup mieux les saveurs. Par ailleurs, quand on met des écorces d’orange ou des aromates dans une huile pour faire une macération, avec des ultrasons, c’est presque immédiat et surtout l’extraction des saveurs est beaucoup plus puissante. C’est exactement pareil, si on met une viande ou à poisson à mariner. Avec les ultrasons, les saveurs de la marinade vont pénétrer à cœur. Surtout cela va éviter de faire chauffer l’huile et faire disparaître les molécules aromatiques les plus fragiles qui sont détruites à 48°. Grâce à ces ustensiles, le foodpairing n’est pas un gadget mais une façon de permettre à la cuisine de continuer à nous émouvoir. »